"A ZEN LIFE - D.T. Suzuki"
Film documentaire de 76 minutes produit par International Videoworks,Inc.
Michael Goldberg Réalisateur et Producteur Exécutif
John Wittmayer Co-producteur
Morgan Fisher Compositeur

D.T. Suzuki né Teitaro Suzuki (1870 - 1966) est, sans doute, le premier à avoir introduit la pensée Zen pur en occident, par ses nombreux écrits et traductions de textes (Plus d'une centaine d'ouvrages!), ses nombreuses participations à des conférences, ainsi que ses nombreux contacts avec des grands penseurs en occident, à un moment où cette école bouddhiste était encore inconnue.

Suzuki est né dans une famille de la classe des samurais, à l'époque où cette classe a été abolit. Son père décéda lorsqu'il avait six ans. Il vécu dans la pauvreté. Par la suite il chercha à travers les religions et les philosophies à comprendre les raisons de ses difficultés. Il étudia à l'université de Tokyo et en même temps pratiqua le Zen avec Shaku Soen, un maitre zen réputé, qui lui donna le prénom Daisetz (grande simplicité). Durant une période de 4 ans l'enseignement était presque silencieux avec de longues pratiques de zazen.

C'est dans la dernière décennie du 19 siècle qu'il effectua sa première visite aux États Unis. Ses connaissances de nombreuses langues européennes et asiatiques le font collaborer avec Paul Carus, pendant une dizaine d'années, dans la traduction de textes asiatiques comme le Tao Te King. En même temps il commença la rédaction de son immense œuvre sur le bouddhisme. Pour D. T. Suzuki« Le bouddhisme n'est pas sorti tout armé du cerveau du Bouddha comme Pallas Athénée du cerveau de Zeus. Dans la mesure où le bouddhisme est une religion vivante et non pas une momie historique bourrée de matériaux morts et dénués d'utilité, il doit être capable d'absorber et d'assimiler tout ce qui vient en aide à sa croissance. C'est ce qu'il y a de plus naturel pour n'importe quel organisme doué de vie. »

Sa contribution à la renaissance du bouddhisme en occident fut grande. Suzuki visita aussi l'Europe puis retourna comme professeur au Japon. En 1911, il se maria avec Beatrice Erskine Lane. Les Suzuki se consacrèrent à faire connaître le bouddhisme Mahayana. En 1921 il enseigna à l'université d'Otani à Kyoto et fonda La Société Bouddhiste de l'Est qui organisa des conférences et des séminaires et publia la revue spécialisée The Eastern Buddhist (qui parait toujours). Il resta en contact avec l'occident. Dans son œuvre généreuse, il fut plus particulièrement intéressé par le Ch'an, origine chinoise et pure du Zen. Le Ch'an originel était très dépouillé, sans artifice et autres imageries mentales.

Pour Suzuki « Le Zen ne peut jamais s'édifier sur un ensemble de conceptions métaphysiques ou psychologiques : celles-ci peuvent être formulées après que l'expérience du Zen se soit produite, mais jamais avant. »

Et sur ce qu'est cette expérience « Toute connaissance est une acquisition et une accumulation alors que le Zen se propose de priver l'homme de toutes ses possessions. Apprendre... c'est prendre... Lorsque l'esprit est entièrement délivré de la souillure accumulée depuis des temps immémoriaux, il reste nu, sans vêtements, sans déguisements. Il est maintenant libre, vide, assumant son autorité originelle. »

Sur les techniques pour atteindre cette réalisation « Quand nous demeurons en Dhyana (méditation) nous sommes esclaves de Dhyana. Si excellentes que soient les mérites de ces exercices spirituels, ils nous mènent inévitablement à un état d'asservissement. Il n'y a pas là de libération. Aussi peut-on considérer toute la discipline du Zen comme consistant en une série d'efforts pour nous rendre libres de toute forme d'asservissement. »

Et « Nous sommes déjà des Bouddhas. Parler d'atteindre quoi que ce soit est une profanation et, logiquement, une tautologie. »

Ses positions lui valurent beaucoup de critiques. Certains le considérèrent comme un simple érudit, un vulgarisateur qui a trop parlé et écrit, il n'était pas moine et n'était pas mandaté pour enseigner et transmettre. Des académiciens mettaient en doute son oeuvre, car ses travaux ne s'effectuaient pas dans le cadre d'une institution universitaire reconnue. D'autres, enfin, comme Alan Watts, Hubert Benoit, Christmas Humphreys et surtout des autorités comme Heinrich Dumoulin le soutinrent et reconnurent leurs dettes envers lui. Mais tout le monde reconnaît son rôle crucial dans l'introduction du Zen.

Suzuki retourna aux Etats-Unis en 1951 pour une tournée de conférences. Il enseigna à l'université de Columbia de 1952 à 1957. En même temps il s'intéressa, entre autres, aux activités de la California Academy of Asian Studies devenue actuellement la California Institute of Integral Studies où des personnalités comme Alan Watts oeuvraient. De par sa présence Suzuki joua un rôle indirect dans le côté spirituel du mouvement de la « beat generation» de l'époque.

Outre le Zen, d'autres traditions intéressèrent Suzuki, en fait toutes les sectes bouddhistes, le mysticisme chrétien et plus spécifiquement l'oeuvre de Maitre Eckhart... Mais il prévenait : « Les disciples du Zen n'approuvent pas l'attitude des chrétiens - même mystiques - trop conscients d'un dieu créateur et protecteur de toute vie et de toute existence. »

Dans les dernières années de sa vie, il se tourna vers la doctrine bouddhiste de la Terre Pure (Jodo Shinshu) qui se base sur l'abandon de soi et la compassion et qui est donc complémentaire à la pratique Zen par l'effort personnel.

D. T. Suzuki reçu de nombreux prix dont la médaille culturelle nationale du Japon.

L'excellent document que nous présentons n'est pas, à notre connaissance, disponible, pour le moment, en DVD (note - en vente depuis février 2008). Des présentations spéciales se font ici et là, de par le monde. Le document a pris quatre années de travail et réussit à présenter la vie de D.T. Suzuki, son oeuvre et son impact. On y retrouve des documents visuels d'archive rares ou très peu connus en plus de nombreuses interviews de personnalités qui ont connu Suzuki et ont été témoins de certaines épisodes de sa vie. Le spectateur est charmé par la douceur, le calme et la clarté de Suzuki dans ses entretiens avec H. Smith, entre autres.

Le film débute par un court résumé de la situation du Japon à la fin du 19e siècle et du monde durant la 1ère moitié du 20e siècle et met en contexte l'action et l'affluence de Suzuki sur un monde occidental qui après deux guerres mondiales et autres conflits était à la recherche d'un sens.

La 2ème partie retrace les principales étapes de la vie de Suzuki et de son oeuvre jusqu'à sa mort. La présentation est entrecoupée par des interviews. Parmi ces personnalités citant le philosophe des religions Huston Smith, plus des extraits de sa propre rencontre avec Suzuki, le poète bouddhiste Gary Snyder, le psychanalyste Albert Stunkard, le maitre zen Robert Aitken et bien d'autres. On peut aussi voir des extraits où apparaissent Erich Fromm, Thomas Merton et John Cage.

Le réalisateur et son équipe sont à féliciter, ils ont su garder le documentaire toujours intéressant et instructif, jamais ennuyeux. Souhaitons, enfin, qu'il sera bientôt disponible pour le grand public.